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l’accompagnement de la dynamique familiale dans le processus de soin en psychomotricité

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Academic year: 2022

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HAL Id: dumas-03297754

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03297754

Submitted on 23 Jul 2021

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Place du handicap dans la relation parents-enfant : quelles répercussions sur la famille ? Penser

l’accompagnement de la dynamique familiale dans le processus de soin en psychomotricité

Fanny Gazel

To cite this version:

Fanny Gazel. Place du handicap dans la relation parents-enfant : quelles répercussions sur la famille ? Penser l’accompagnement de la dynamique familiale dans le processus de soin en psychomotricité.

Médecine humaine et pathologie. 2021. �dumas-03297754�

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Institut de Formation en Psychomotricité Pitié Salpêtrière


Faculté de Médecine Sorbonne Université 91, Bd de l’Hôpital


75013 Paris

!

P lace du handicap dans la relation parents-enfant : quelles répercussions sur la famille ?

Penser l’accompagnement de la dynamique familiale dans le processus de soin en psychomotricité.

Mémoire présenté par Fanny GAZEL

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de psychomotricien

Maître de mémoire : Alexia LEJEUNE

Session de : Juin 2021

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier ma référente de mémoire, Alexia Lejeune, pour son soutien dans la réalisation de ce travail, pour la pertinence de ses conseils et la grande disponibilité qu’elle m’a accordée.

Je remercie également toutes les maîtres de stages qui m’ont accompagnée durant ces trois années de formation et qui ont grandement contribué à mon cheminement professionnel. Une pensée particulière pour Claire Le Clanche et Elsa Warnier. La richesse de ces stages n’a cessé de renforcer mon appétence pour ce métier.

J’adresse mes plus sincères remerciements à tous les patients que j’ai rencontrés au cours de ma formation, ainsi qu’à leur famille. Je suis profondément reconnaissante pour tout ce qu’ils m’ont apporté, tant humainement que professionnellement.

Enfin, un grand merci à ma famille et mes amis pour leur soutien sans faille, et ce depuis toujours.

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SOMMAIRE

Introduction. . . 6

I. PARTIE THÉORIQUE : HANDICAP, RELATIONS FAMILIALES ET PSYCHOMOTRICITÉ 1. Le handicap . . . 9

1.1. Origine et définitions. . . 9

1.2. Les représentations du handicap. . . 12

2. La famille . . . 16

3. La parentalité . . . 18

4. L’attachement. . . 22

5. La psychomotricité . . . 25

II. PARTIE THÉORICO - CLINIQUE : LE HANDICAP DANS LA FAMILLE 1. L’annonce du handicap à la famille . . . 29

1.1. Les répercussions et ruptures engendrées par l’annonce. . . 30

1.2. Les étapes vers l’acceptation. . . 32

1.3. La qualité de l’annonce par les soignants . . . 36

1.4. Vignette clinique . . . 39

1.4.1. Le groupe « balnéothérapie » mère-enfant. . . 39

1.4.2. Présentation de Lucas et sa famille. . . 41

1.4.3. Analyse clinique. . . 43

2. L’impact du handicap sur la vie familiale et sur les relations . . . 46

2.1. La réorganisation de l’environnement familial. . . 46

2.2. L’impact sur la parentalité. . . 48

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2.3. L'impact sur la qualité du lien parents-enfant : trouver un équilibre entre

sur-protection et désaccordage . . . 51

2.4. L’impact sur la construction identitaire de l’enfant. . . 57

2.5. L’impact auprès de la fratrie. . . 59

III. LE RÔLE DU PSYCHOMOTRICIEN DANS L’ACCOMPAGNEMENT DU PATIENT ET DE SA FAMILLE 1. Le soutien à la parentalité . . . 63

1.1. L’importance d’agir auprès des parents. . . 63

1.2. Les spécificités du psychomotricien. . . 65

1.2.1. Une approche corporelle. . . 65

1.2.2. Illustration d’une médiation corporelle dans le soutien à la parentalité : le travail dans l’eau . . . 66

1.2.3. Lecture du développement et des troubles psychomoteurs . . . . 67

1.2.4. Disponibilité psycho-corporelle et « savoir-être » relationnel . . . 68

1.3. La posture de « soignant ». . . 69

2. L’importance de l’alliance thérapeutique . . . 70

3. Vignette clinique. . . 71

3.1. Présentation du terrain clinique . . . 71

3.2. Lisa et sa famille. . . 73

Conclusion. . . . 76

Bibliographie . . . . 78

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INTRODUCTION

Dans le cadre de ces trois années de formation en psychomotricité, j’ai été amenée à réaliser plusieurs stages, auprès de publics divers, rencontrant des problématiques très variées. La réflexion autour du projet thérapeutique du patient, qu’il soit global ou plus spécifiquement lié au suivi en psychomotricité, m’a toujours passionnée. J’ai, dès le début, compris la nécessité de s’adapter à chaque patient, de penser le suivi en tenant compte de sa personnalité, de son mode de vie, d’analyser les différentes difficultés qu’il rencontre et qui souvent impactent son quotidien, pour pouvoir proposer une prise en soin adaptée.

Au cours de mes observations cliniques, je me suis rapidement intéressée à une dimension qui ne doit pas être occultée lorsque nous accompagnons un patient, et qui lui est bien souvent indissociable : sa famille. En effet, nous abordons rarement la problématique d’un patient sans évoquer son contexte familial. Au fil de mon cheminement d’étudiante et de stagiaire, l’importance de penser la dynamique familiale dans le processus de soin du patient m’est apparue nécessaire, et même primordiale. Il est possible que cet intérêt que je porte à la place donnée à la famille dans le soin puisse expliquer mon attrait pour le travail auprès des enfants. En effet, j’ai pu constater que la prise en compte du contexte familial est davantage prépondérante pour les enfants qu’elle ne l’est pour les patients adultes. « Quiconque se préoccupe de l’enfant a nécessairement, en parallèle, le souci de ses parents. L’un ne va pas sans l’autre. » (Houzel, 2017, p.11).

Ayant réalisé mes stages longs de deuxième et troisième années en CMP (Centre Médico-Psychologique) pour enfants et adolescents, j’ai été amenée à rencontrer de nombreux patients ainsi que leur famille. Au-delà du rôle - souvent pensé et théorisé - que peut avoir l’environnement familial sur le développement et l’évolution d’un enfant, je me suis surtout questionnée sur les répercussions dont le handicap est vecteur sur la famille, et notamment sur les relations entre les membres qui la composent. Le handicap, aussi pluriel qu’il puisse être, est toujours à l’origine d’une modification du mode de vie, et bien souvent source de souffrance, que ce soit pour le patient lui-même ou pour ceux qui l’entourent. Confrontée à cette problématique lors des différents stages que j’ai effectués, mon projet de mémoire s’est naturellement construit autour de l’intérêt que je porte à ce sujet. De nombreux questionnements ont alors émergés au fil de mes réflexions : Que

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vivent les parents d’enfants porteurs de handicap ? Quel impact cela a-t-il sur leur parentalité ? Quelles répercussions l’annonce du handicap a-t-elle sur la relation parents- enfant ?

En parallèle, je me suis également intéressée au rôle du psychomotricien dans le soutien à la parentalité, notamment dans cette période de bouleversement que représente l’annonce d’un handicap dans une famille. Mon stage long de troisième année en PMI (Protection Maternelle et Infantile) m’a permis d’enrichir ma réflexion et de saisir l’importance de l’accordage dans la relation parents-enfant. J’ai compris que cet accordage, cet ajustement mutuel entre l’enfant et ses parents, cette adaptation à l’autre, est un processus parfois difficile qui ne va pas forcément de soi. J’ai ainsi pu analyser la fonction d’étayage que détient le psychomotricien, à savoir son rôle de soutien pour la création d’une relation parents-enfant harmonieuse, et sa place dans l’accompagnement de l’équilibre familial.

Afin de rendre compte de mes observations et de mes réflexions sur le sujet, je présenterai dans un premier temps les différents concepts théoriques qui lui sont liés. Je m’attacherai ensuite à analyser les multiples répercussions que peut provoquer le handicap sur la famille et sur les relations intra-familiales. Pour finir, je développerai le rôle du psychomotricien dans l’accompagnement du patient et de sa famille, et sa fonction de soutien à la parentalité.

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I. PARTIE THÉORIQUE : HANDICAP, RELATIONS

FAMILIALES ET

PSYCHOMOTRICITÉ

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Afin d’introduire et de poser les bases de mon sujet, je commencerai par définir les termes et concepts qui lui sont attachés. Je développerai en premier lieu la notion de handicap. Je m’attacherai ensuite à tenter de définir la famille et ce qui la caractérise, avant d’analyser la notion de parentalité et tout ce qu’elle implique. Puis, je traiterai la notion d’attachement et les modèles théoriques qui la sous-tendent. Enfin, je présenterai la psychomotricité et l’approche thérapeutique du psychomotricien.

1. LE HANDICAP

1.1. Origine et définitions

De nos jours, il y aurait environ 12 millions de personnes en situation de handicap vivant en France . Cela représente environ 18% de la population, faisant du handicap un 1 phénomène sociétal majeur. Nous pouvons observer que les questions liées au handicap prennent davantage d’ampleur dans les politiques publiques depuis le début du siècle, notamment depuis la loi « handicap » de 2005. Celle-ci a permis d’ouvrir les réflexions autour de cette question et de sensibiliser les pouvoirs publics à l’intégration des personnes en situation de handicap.

Les définitions du terme « handicap » sont variées et n’ont cessé d’évoluer au fil du temps. J’essaierai ici d’apporter des éléments de compréhension nécessaires pour la suite de ce mémoire. Il est toutefois difficile d’aborder cette notion de manière exhaustive, au vu de sa diversité et des divers questionnements qu’elle soulève.

L’étymologie du mot « handicap » vient de l’expression anglaise « hand in cap » se traduisant par « la main dans le chapeau ». Cela ferait référence à un jeu pratiqué au XVIème siècle en Grande-Bretagne; des objets de différentes valeurs étaient disposés dans un chapeau et le gagnant était ainsi élu par le simple fait du hasard.

Le terme de « handicap » est par la suite apparu dans le domaine hippique ó il s’agissait d’imposer des difficultés supplémentaires aux meilleurs jockeys, afin d’égaliser les chances de tous les concurrents. Ce terme s’est progressivement étendu à d’autres sports, désignant toujours un désavantage, une gêne, une infériorité.

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En 1980, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) désigne le handicap comme étant un désavantage qui résulte d’une déficience ou d’une incapacité qui limite l’accomplissement d’un rôle normal et entraîne une restriction de participation à la vie sociale.

La loi du 11 février 20052, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, intègre dans ses textes la définition suivante : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société, subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Le handicap résulterait donc d’une mauvaise interaction entre un individu ayant des difficultés dans son mode de vie, et les facteurs environnementaux dans lesquels il évolue.

Cela m’amène à la réflexion suivante. Dans notre société, nous avons tendance à partir du postulat selon lequel les personnes en situation de handicap ne seraient pas « adaptées » à l’environnement qui les entoure, et devraient déployer toute sorte de moyens pour s’y conformer. Mais n’est-ce pas plutôt l’environnement qui serait inadapté à la diversité des êtres et ne permettrait pas toujours l’inclusion et l’intégration de ces personnes ? Car finalement, ce qui créé la situation de handicap, ce n’est pas la déficience elle-même, mais l’incapacité de l’environnement à s’ajuster à celle-ci. C’est en partant de cette idée que l’expression « en situation de handicap » est souvent privilégiée. « Reconnaître que le handicap soit « de situation », c’est reconnaître aussi que la personne ayant une ou plusieurs déficiences puisse être ou ne pas être en « situation de handicap » selon que l’environnement comporte, ou non, des obstacles infranchissables ». (Cèbe, dans Bauby, Bonnefoy, & Gautier-Coiffard, 2017, p.274).

Frédéric RUBY et Aurélie BISSINGER, parents de Sasha (enfant en situation de handicap), exposent la nécessité d’un changement de regard sur la différence et la subjectivité de chacun dans le monde. Ils parlent de « rééducation (du monde) » : « Il faudrait donc rééduquer Sasha. Le rééduquer? Il faudrait déjà qu’il le soit, éduqué, qu’il puisse l’être. Et puis, l’éduquer à quoi? A ce monde qui s’oppose à lui? C’est le monde qu’il faut rééduquer, afin qu’il se rende compte que c’est lui qui n’est pas adapté, que c’est

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lui « l’handicapé », tant qu’il n’acceptera pas ce qui le constitue ». (dans Bauby, Bonnefoy,

& Gautier-Coiffard, 2017, p.230).

Selon ces points de vue, le handicap résulterait donc davantage d’obstacles matériels et sociaux que d’une déficience ou d’une maladie.

Le terme de handicap regroupe donc une grande diversité de personnes. Il se classe généralement en cinq sous-types :

-

Le handicap moteur : il se caractérise par l’ensemble des troubles pouvant entraîner une altération, partielle ou totale, de la motricité.

-

Le handicap sensoriel : il regroupe les difficultés liées à l’atteinte d’un organe sensoriel (en particulier la vue et l’ouïe).

-

Le handicap psychique : il est la conséquence d’une maladie psychique (psychose, dépression, dépendance…) et se traduit par un dysfonctionnement de la personnalité, sans qu’il y ait nécessairement une limitation des capacités intellectuelles. Ce handicap est reconnu comme tel depuis la loi du 11 février 2005.

-

Le handicap mental : il se caractérise par une limitation des capacités intellectuelles, entraînant des difficultés sur le plan de la compréhension, des connaissances et de la cognition. On parle de déficience intellectuelle légère, modérée, sévère ou profonde en fonction du niveau du Quotient Intellectuel (QI) du sujet.

-

Les maladies invalidantes : il s’agit de toutes les maladies somatiques (respiratoires, digestives, infectieuses…) qui ont des effets délétères sur l’organisme et peuvent entraîner un handicap.

D’autre part, il est parfois question d’« handicaps associés » lorsque plusieurs types de handicaps se conjuguent. Nous pouvons en distinguer trois formes :

-

Le polyhandicap : association de plusieurs handicaps intriqués, dont notamment une déficience intellectuelle sévère ou profonde et un handicap moteur grave, entraînant une restriction extrême de l’autonomie.

-

Le plurihandicap : association d’atteintes motrices et/ou sensorielles de même degré sans qu’il y ait forcément de déficience intellectuelle.

-

Le surhandicap : aggravation d’un handicap déjà existant par les difficultés relationnelles et comportementales qu’il provoque.

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1.2. Les représentations du handicap

Les représentations du handicap sont nombreuses et propres à chaque individu.

L’acceptation du handicap par les parents dépend, en partie, de la façon dont ils le perçoivent. Ces représentations parentales sont influencées par des représentations personnelles, familiales, sociétales et culturelles du handicap.

Tout d’abord, nous avons tous une représentation du handicap qui nous est propre.

Ces représentations personnelles se sont construites tout au long de notre vie, au fil de nos expériences, de notre parcours de vie, de nos rencontres, de notre personnalité…

nous nous faisons chacun notre propre image du handicap, qui est donc susceptible d’évoluer au fil du temps.

Généralement, le mot « handicap » est à lui seul vecteur de nombreuses représentations et émotions, souvent négatives. Il peut être ainsi très difficile, pour de nombreux parents, de constituer un dossier à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) car cela formalise le handicap de l’enfant, avec toutes les représentations qui en découlent. Les personnes en situation de handicap suscitent parfois l’effroi, le rejet, la fascination. Ces réactions pourraient s’expliquer par la difficulté des individus dits « normaux » à s’identifier, se reconnaître en ces êtres qui différent. Car le handicap est généralement synonyme de différence. Cette différence est source d’angoisse, d’incompréhension, de mise à distance.

A l’inverse, Simone KORFF-SAUSSE nous propose une autre interprétation de cette peur liée au handicap. Celle-ci ne serait pas due à la différence qui nous sépare des personnes handicapées, mais, à l’inverse, aux similitudes qui nous rapprochent d’elles.

Nous préférons alors nous représenter l’autre comme différent, car la ressemblance qui nous rapproche pourrait mettre à jour nos propres failles et dévoiler notre propre étrangeté. « Accepter l’autre avec sa différence est une chose ; mais accepter l’autre dans sa ressemblance en est une autre, beaucoup plus ardue, car plus menaçante. S’il me ressemble, il est un miroir dans lequel je risque de reconnaître une part de moi-même que je n’admets pas, voire qui me fait horreur. » (Korff-Sausse, 2010, p. 141-142).

Selon cette psychanalyste, le fait de se représenter les personnes en situation de handicap comme radicalement différentes de soi, pourrait être une façon de projeter au

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dehors ce qui nous fait peur en nous; occulter les parties de nous qui seraient inquiétantes.

« Il est tellement plus commode de penser que je n’ai rien en commun avec cet être infirme, invalide ou déficitaire. La localisation de la différence à l’extérieur de soi permet d’éviter l’étrangeté en soi-même.» (Ibid., p.144).

Nous nous détournons de cet autre si différent, car par sa ressemblance, il dévoile notre propre altérité.

D’autre part, le handicap renvoie à une anomalie, à quelque chose qui dysfonctionne et qui atteint l’intégrité de la personne, source de douleur et de souffrance. Il peut être ainsi très difficile pour un parent de concevoir que son enfant soit victime de ce malheur. Le refus du mot « handicap » peut ainsi signifier chez certains parents une impossibilité d’accepter que son enfant « n’aille pas bien ».

En tant que soignant, il est alors important de comprendre qu’il est difficile pour une famille de venir consulter dans des lieux de soin pour l’enfant, ces derniers étant généralement associés à la notion de handicap. De plus, une fois que les familles passent la porte de ce lieu de soin, ils sont directement confrontés à d’autres enfants en situation de handicap (par exemple dans la salle d’attente). Cela les renvoie au handicap de leur enfant, ce qui peut s’avérer très douloureux.

Je me remémore ici une situation clinique. Dans le cadre de mon stage en CMP, j’ai eu l’occasion de rencontrer une jeune fille, que j’appellerai Sarah , et sa maman. Sarah 3 est une fillette alors âgée de 8 ans. Elle est suivie au CMP pour un retard de développement et un déficit intellectuel, et participe à un groupe thérapeutique avec d’autres enfants. Il est décidé que le suivi de Sarah au CMP s’arrête, car une place vient de se libérer pour elle dans un IME (Institut Médico-Éducatif), établissement accueillant des enfants et adolescents atteints de déficience mentale. Une première visite à l’IME est organisée pour Sarah et sa maman. À la suite de cette visite, Madame nous fait part de son mal-être, et de son hésitation à laisser sa fille dans cette institution. En effet, elle s’est sentie déroutée et mal à l’aise face aux autres patients de l’IME et ne comprend pas pourquoi sa fille doit intégrer ce centre avec des « enfants handicapés ». Cette visite à l’IME a confronté directement Madame à une nouvelle image du handicap et il est difficile pour elle d’associer ces enfants « handicapés » à sa fille. En effet, l’IME accueille des enfants présentant de plus grandes difficultés que ceux accueillis dans le groupe du CMP,

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ce qui a participé à créer un écart dans les représentations que cette mère se faisait du handicap de sa fille. Cela a pu être travaillé avec l’équipe du CMP, et l’entrée en IME de Sarah s’est très bien passée.

Ces représentations personnelles du handicap dépendent également de celles relayées par la famille et l’entourage. Dans l’histoire des générations familiales se créent des représentations qui vont influencer celles des parents et donc leur manière d’appréhender le handicap de leur enfant. L’acceptation et la tolérance vis-à-vis du handicap sont donc très variables selon les familles.

De plus, chaque individu construit son image du handicap à partir des représentations véhiculées par la société. L’environnement (tant social que matériel), se construit et s’enracine autour d’une « norme ». Cette norme est établie par la société, et se base sur la condition majoritaire des êtres qui la constituent. Il en résulte une certaine mise à l’écart de toute personne qui s’écarte de cette norme, comme c’est le cas des personnes en situation de handicap. Selon le psychologue Maurice RINGLER (2004), la norme permettrait aux individus dits « normaux » de s’assimiler aux personnes qui leur ressemblent et de distinguer celles qui diffèrent d’eux, cette différence pouvant représenter un potentiel danger, l’« anormalité » faisant écho à des angoisses archạques. Cette idée est analogue à celle précédemment développée de Simone KORFF-SAUSSE.

Partant de là, nous pouvons imaginer que certains handicaps engendrent des représentations plus péjoratives que d’autres. Je pense ici aux handicaps qui sont visibles et qui révèlent une différence, une « anormalité » par le seul fait de l’apparence physique.

Par exemple, dans la trisomie 21, « le phénotype (ou l’aspect du visage) est facilement reconnaissable et fait l’objet d’une stigmatisation sociale spécifique. » (Mirlesse, dans Bauby, Bonnefoy, & Gautier-Coiffard, 2017, p.44).

Durant l’Antiquité, les personnes handicapées étaient considérées comme impures et étaient exclues de la société. L’infirmité symbolisait un châtiment infligé par les Dieux. Si cette représentation religieuse tend à disparaỵtre de nos jours et que les moeurs et les mentalités ont bien évolué depuis l’Antiquité, il demeure cependant une certaine appréhension du handicap.

Simone KORFF-SAUSSE décrit la peur de « contagion », à savoir l’idée - absurde mais bien présente - selon laquelle un individu pourrait nous transmettre son handicap.

« Nos attitudes sont révélatrices, malgré nos idées proclamées et nos convictions

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affichées, de cette peur superstitieuse de devenir comme eux. C’est comme si le moindre contact, fût-ce par les yeux, risquait de nous exposer à ce risque. […] Cela pourrait être une explication de la tendance générale à détourner le regard d’un être dont l’anormalité inspire une terreur. » (2010, p.117-118).

Que ce soit par crainte du handicap ou par gêne et pudeur vis-à-vis de la personne handicapée, nos attitudes et nos représentations sont parfois vectrices de rejet et d’exclusion.

Enfin, les parents sont également animés par des représentations culturelles du handicap, et celles-ci varient d’une culture à l’autre. En Occident, nous nous référons plutôt au savoir médical et scientifique, et attribuons généralement le handicap au hasard de la génétique et de l’environnement. Dans les cultures orientales, les familles se réfèrent souvent à des croyances mystiques et des superstitions qui proviennent de traditions ancestrales. En Afrique de l’Ouest par exemple, la plupart des familles croient en la sorcellerie : le handicap est induit par un mauvais esprit, le Djinn, qui leur veut du mal. Les personnes handicapées sont envoutées, possédées par un mauvais sort. On parle alors de guérisseurs pour désigner les médecins et de marabouts pour évoquer les psychologues.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que ces croyances aident les parents à se déculpabiliser du handicap de leur enfant. Elles permettent d’attribuer une cause à l’anormalité de l’enfant. En tant que soignant, il est alors important de prendre en compte ces croyances, même si elles diffèrent des nôtres, pour pouvoir tisser un lien de confiance avec la famille et proposer un suivi à l’enfant.

Les croyances religieuses influencent aussi les représentations : certains interprètent le handicap comme une punition de Dieu, alors que dans certaines ethnies il est considéré comme un cadeau des dieux, dotant l’enfant de « pouvoirs exceptionnels ».

(Korff-Sausse, 2010, p.115). Pour certaines familles musulmanes, le handicap est perçu comme une volonté de Dieu de mettre leur foi à l’épreuve, leur permettant de prouver leurs qualités morales pour que la voie vers le paradis leur soit ouverte. (Fouque, Fernandez, Moulu & Habi, 2015, p.174).

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2. LA FAMILLE

« Un bébé seul, ça n’existe pas ». Par cette affirmation, Donald Woods WINNICOTT rattache l’existence du bébé aux relations précoces qui lui sont indispensables pour vivre, à savoir sa famille. En effet, le bébé est entièrement dépendant des personnes qui s’occupent de lui et qui ont pour rơle d’assurer son bon développement et de lui procurer les soins nécessaires à sa survie (tant physiques que psychiques). Dans la plupart des cas, ce sont ses parents qui exercent cette fonction. Nous verrons que cela constitue l’un des enjeux majeurs de la parentalité.

Selon Serge VALLON (2006), lorsque nous réfléchissons à la notion de famille, nous avons généralement comme réflexe premier de penser à la nơtre : celle dans laquelle nous sommes nés et avons grandis, celles que nous idéalisons, celle que nous nous imaginons. Car la notion de famille fait référence à quelque chose qui nous concerne personnellement, de l’ordre de l’intime et du privé, du « familier ». La représentation familiale associe ainsi réalités concrètes et idéaux fantasmatiques.

Selon le psychanalyste, si l’on généralise, la représentation communément admise de la famille repose sur la définition suivante : « une famille c’est l’ensemble uni que forment les parents et leur enfant » (p.154). Cependant, ce concept de famille est porteur de bien plus de complexités que cette seule définition. En effet, il existe des structures familiales diverses et variées; les familles nucléaires (un père, une mère, et un ou des enfant(s)), les familles monoparentales (un seul parent et son ou ses enfant(s)), les familles homoparentales (deux conjoints du même sexe assurent la fonction parentale), les familles recomposées (les conjoints ont des enfants d’une précédente union), les familles adoptives (ceux qui assurent la fonction parentale ne sont pas les parents biologiques de l’enfant)… Ainsi, la parentalité symbolique prend parfois le pas sur la parentalité biologique.

D’autre part, S. VALLON s’appuie sur les travaux de Claude LEVI-STRAUSS pour décrire la grande variété ethnologique des systèmes de parenté à travers le monde. On observe ainsi des sociétés ó prédomine la monogamie, d’autres la polygamie, d’autres encore la polyandrie… Cette diversité des liens conjugaux conduit nécessairement à une grande hétérogénéité des constructions familiales. Malgré les différentes configurations et représentations de la famille selon les cultures et les ethnies, la famille reste toutefois un phénomène sociétal universel.

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Selon moi, la notion de famille est propre à chaque individu. Chacun est donc libre de s’approprier ce terme pour désigner un groupe de référence. Pour certains, la famille se limitera aux liens du sang, quand d’autres attribueront ce terme pour désigner des amis proches. Ainsi, la famille pourrait également se définir comme le sentiment d’appartenance à un groupe. Ce groupe partage une identification, une transmission, et représente un soutien pour les membres qui le composent.

De plus, je perçois la famille comme une entité mouvante, parfois sujette à des remaniements selon les parcours de vie des membres qui la composent. J’utilise ainsi dans mon sujet le terme de « dynamique familiale » pour suggérer d’une part le caractère évolutif que peut parfois revêtir la structure familiale, mais aussi par rapport aux interactions qui s’opèrent en son sein.

S. VALLON conclue son raisonnement en proposant la définition suivante : « la famille est un nœud, un nœud entre le fil des générations et le fil de l’alliance qui noue des familles et des groupes qui s’ignoreraient sans cela » (p.161).

Même si cette notion de famille ne revêt pas exactement les mêmes significations pour tout le monde et s’il existe une multitude de schémas familiaux différents, il en découle cependant une nature commune, avec des facteurs qui la caractérisent.

Didier HOUZEL (2017) parle d’ « enveloppe familiale » pour décrire cette contenance qui regroupe les membres de la famille, chacun participant à la constitution de celle-ci. Deux facteurs sont fondamentaux pour le bon équilibre et la résistance de cette enveloppe.

Le premier facteur est la notion d’espace. Ce terme est ici à comprendre au sens d’espace de vie, d’une unité de lieu ó se réunissent les différents membres de la famille, à savoir un foyer commun. C’est dans ce foyer, cet espace commun que les évènements se succèdent et que se tissent les relations familiales, à l’origine du lien singulier qui unit les membres de la famille.

Le deuxième facteur est la notion de temps, à savoir une continuité temporelle entre les interactions familiales et l’harmonisation des différents rythmes de vie de la famille. On entend également par ce facteur temps l’existence d’une histoire inhérente à la famille et partagée par l’ensemble des membres qui la composent. Cette histoire commune fait souvent intervenir les générations antérieures et donc la transmission inter- générationnelle.

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« Le tissage d’une enveloppe familiale est assuré par ces fonctions de rassemblement géographique et de réunion d’une même histoire, nécessaires à l’étayage du processus d’individuation et de constitution de l’identité de chacun » (Houzel, 2017, p.

71). Nous comprenons ici l’importance d’un rassemblement spatio-temporel pour l’organisation familiale, et pour la constitution d’une « enveloppe » stable et sécurisante permettant à chacun de s’établir comme sujet. Posséder sa propre place dans ce groupe que représente la cellule familiale permet de se construire un Moi, une identité propre.

Nous en revenons ainsi à la célèbre affirmation de Winnicott citée précédemment… Un bébé ne peut exister s’il n’est pas entouré. Il a fondamentalement besoin d’appartenir à une famille pour se sentir exister et prendre sa place dans le monde.

Nous verrons ultérieurement que ce sentiment d’appartenance à une famille est d’autant plus important dans le cadre du handicap. Pour accéder au processus d’individuation et être représenté comme sujet, l’enfant en situation de handicap aura fondamentalement besoin de l’étayage et de la considération de sa famille.

Si le bébé a besoin de ses parents pour développer sa subjectivité, les parents ont quant à eux besoin de leur enfant pour s’identifier en tant que tels et prendre conscience de leur parentalité.

3. LA PARENTALITÉ

Le CNSP (Comité National du Soutien à la Parentalité) propose la définition suivante : « La parentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Cette relation adulte/

enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur de l’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environnement social et éducatif ó vivent la famille et l’enfant ».

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Selon le psychologue Maurice RINGLER, le rôle des parents auprès de leur enfant revient à « prendre acte à la fois de son besoin de croissance et de son besoin de sécurité en le confirmant affectivement par le toucher, par la parole et par l’attribution d’une place repérable dans la succession des générations ». (1998, p.121).

Les parents ont ainsi pour rôle fondamental d’assurer le bon développement de leur enfant. Ils sont les garants de sa sécurité affective et ont le devoir de lui procurer des soins de qualité.

Or, la parentalité s’avère être un processus complexe, n’allant pas toujours de soi.

« On ne naît pas mère ou père. On le devient. Ce qui ne se fait pas du jour au lendemain, ni sans bouleversements. Cesser d’être l’enfant de ses parents pour devenir parent de son enfant n’est pas si simple […] S’il faut neuf mois pour qu’un bébé se fabrique, il faut aussi neuf mois pour que les parents mûrissent leur parentalité. » (Bergeret-Amselek, 2003).

Par ces propos, cette psychanalyste et psychothérapeute nous montre la difficulté que peut revêtir le processus par lequel un individu devient parent. La parentalité n’est pas un phénomène totalement inné mais un cheminement qui se construit pas à pas. L’arrivée d’un bébé est source de nombreux remaniements venant transformer le quotidien de vie du couple.

Devenir parent, c’est aussi faire face à une transformation identitaire imbriquée à un processus de maturation psychique. D.W. WINNICOTT parle de « préoccupation maternelle primaire » (2006, p.33) pour décrire un état qui se développe chez la mère pendant la grossesse et qui dure quelques semaines après la naissance de l’enfant. Il s’agit d’un mode de fonctionnement psychique qui permet à la mère de s’adapter au mieux à son bébé et de pouvoir anticiper ses besoins de façon à lui assurer un « sentiment continu d’exister », qui sera la base de son individuation.

Si la place des mères a été longtemps considérée comme prépondérante par rapport à celle des pères dans la parentalité, on constate de nos jours une tendance à l’équilibration des rôles parentaux et une meilleure reconnaissance de la fonction paternelle. Car si les pères ne portent pas l’enfant d’un point de vue anatomique/

physiologique, ils le portent dans leur tête pendant les neufs mois de grossesse. Une maturation psychique est également à l’oeuvre chez les hommes, leur permettant

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d’accéder à leur place de père dans la famille. La relation souvent fusionnelle entre le bébé et sa mère peut parfois amener le père à se sentir exclu. Or, le nouveau-né perçoit rapidement une différence entre les soins maternels et paternels et les caractéristiques de leurs interactions corporelles (modulation de la voix, état tonique, odeur corporelle…). En plus d’établir une relation spécifique avec chacun d’eux, cette différence va lui permettre de se différencier de sa mère et de se construire une représentation de ses deux parents.

La place du père dans la triade a ainsi une importance capitale.

WINNICOTT utilise les notions de « holding » et de « handling » (1992) pour décrire la qualité des soins apportés par les parents et permettant le développement affectif et la constitution du Moi chez le bébé. Selon ce psychanalyste britannique, le « holding » correspond à la manière dont la mère porte son enfant, tant physiquement que psychiquement. Le portage physique correspond à la façon dont la mère porte son enfant dans ses bras, et le portage psychique désigne le fait de le porter dans ses pensées, c’est à dire de lui accorder de l’importance, de lui procurer l’attention et la disponibilité dont il a besoin, de le considérer comme un être à part entière. D’autre part, le « handling » se rapporte à la façon dont la mère s'occupe de son enfant, à la qualité de ses manipulations pendant les actions du quotidien (changes, bains, sommeil…).

Par ces soins, le bébé peut faire l’expérience de la sécurité et recevoir de manière adaptée les informations de son environnement.

Encore une fois, ces notions s’appliquent aussi au père du bébé, et plus largement à tout l’environnement humain qui s’occupe de lui.

Il est important de préciser ici que la parentalité ne se résume pas seulement au fait d’apporter des soins à l’enfant. En 1998, un groupe de recherche sur la parentalité, dirigé par le psychanalyste et pédopsychiatre Didier HOUZEL, s’est donné pour objectif d’apporter une compréhension nouvelle de ce processus complexe. Il résulte de cette approche, une élaboration du concept de parentalité autour de trois axes (Houzel, 2017, p.

114-164) :

-

L’exercice de la parentalité renvoie à l’identité de la parentalité, au niveau symbolique du fait d’ « être parent ». Cette dimension inclue les droits et les devoirs qui sont rattachés à la fonction parentale.

-

L’expérience de la parentalité est liée aux fonctions de la parentalité, c’est l’expérience subjective, affective et imaginaire de ceux qui sont impliqués dans ce

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processus. Cette expérience implique des mécanismes psychiques conscients et inconscients et induit des représentations fantasmatiques.

-

La pratique de la parentalité fait référence aux compétences parentales, aux qualités des tâches objectivement observables (qualité des soins, de l’éducation, des interactions…).

Ces trois dimensions sont complémentaires et en relation les unes avec les autres.

Devenir parent implique d’éprouver l’exercice, l’expérience et la pratique de la parentalité.

Par ailleurs, il est important d’ajouter que le développement harmonieux de l’enfant n’est pas soumis à une parentalité parfaite en tout points. En effet, il est tout à fait normal qu’un parent rencontre certaines difficultés, fasse certaines erreurs. Un équilibre des trois axes de la parentalité et un attachement sécurisant suffisent. L’essentiel est d’être un parent « suffisamment bon ». Je paraphrase ici la célèbre formule de WINNICOTT : « une mère suffisamment bonne » (« good enough mother » en anglais) (2006), à savoir une mère qui répond de manière adaptée aux besoins de son enfant, sans en faire trop, ni trop peu. Ce juste équilibre se situe entre une mère qui ne serait « pas assez bonne » et laisserait son enfant en souffrance, et une mère « trop bonne » qui répondrait de manière excessive et immédiate à ses besoins, ne lui laissant pas l’occasion de faire l’expérience du manque, essentiel à la constitution de sa subjectivité. Cette formule vient alors contrer les attentes et les pressions souvent induites par la société concernant les compétences parentales, et ainsi déculpabiliser les parents de leurs naturelles imperfections.

Nous avons vu ici les différents rôles attribués à la parentalité et la difficulté que peut constituer l’arrivée d’un enfant et le processus de « devenir parent ». Nous verrons, dans la suite de ce travail, que ce phénomène se trouve d’autant plus bouleversé en cas d’handicap de l’enfant. Nous étudierons ce cas de figure dans la deuxième partie de ce mémoire et analyserons en quoi le handicap impacte le processus de parentalité et peut parfois altérer l’attachement entre l’enfant et ses parents. Mais avant cela, il semble important de développer cette notion d’attachement.

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4. L’ATTACHEMENT

Alors que l’attachement était auparavant un concept plutôt utilisé dans le domaine de l’éthologie pour décrire et analyser les comportements de nombreuses espèces animales, cette notion s’est progressivement étendue à l’espèce humaine. Selon Serge LEBOVICI, « Les animaux s’attachent instinctivement à leur mère pour se protéger des prédateurs et des dangers extérieurs. Il en est de même pour les êtres humains » (propos recueillis par Taubes, 2003). L’attachement est un phénomène universel, qui concerne toutes les espèces dotées d’un comportement social. De nos jours, l’attachement est considéré comme la base des relations humaines et apparaît comme un enjeu majeur pour le développement de l’enfant. Sans relation d’attachement, le bébé ne peut se développer normalement. Les parents ont un rôle capital à jouer dans ce processus : ils représentent la sécurité émotionnelle que l’enfant recherche. L’attachement est aujourd’hui reconnu comme un besoin fondamental, même « vital ».

John BOWLBY a développé la théorie de l’attachement après la Seconde Guerre mondiale et a étudié les conséquences néfastes d’une longue séparation entre les enfants et leurs parents.

Selon ce psychiatre et psychanalyste britannique, le bébé a besoin de figures d’attachement pour se développer. Si le bébé évolue dans un environnement sécure, il s’attache à ceux qui s’occupent de lui, et pourra plus tard tisser des liens d’attachement avec ses groupes de pairs et explorer le monde qui l’entoure. L’enfant quitte le ventre maternel sécurisant et a alors besoin de la chaleur, des gestes tendres, des mots de ses parents pour pouvoir plus tard se détacher tout en se sentant en sécurité. Si l’environnement semble dangereux pour le bébé, celui-ci se replie sur lui-même et aura des difficultés à créer des relations adaptées par la suite. L’attachement permet également au bébé de se créer des représentations de soi et des autres. C’est ce que BOWLBY appelle les MIO (Modèles Internes Opérants) : ce sont les représentations mentales de soi et les attentes vis-à-vis des autres que nous nous construisons pendant la petite enfance, et qui nous guideront tout au long de notre vie. Les interactions précoces sont ainsi un socle aux relations futures.

L’attachement pourrait donc se définir comme le lien créé entre l’enfant et une ou plusieurs autres personnes - définies comme “figures d’attachement” - qui prennent soin de lui de manière adaptée et continue, à l’origine d’une sécurité émotionnelle et affective.

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Très tôt, avant même sa naissance, le bébé développe des liens affectifs avec ses parents, et tout d’abord avec sa mère. Comme nous le montre André BULLINGER dans son approche sensori-motrice, il existe un dialogue tonique entre le foetus et la paroi utérine de la mère. Cela constitue le premier lien d’attachement pour la dyade mère-enfant et l’émergence des premières représentations.

Ce que nous appelons dialogue tonique, est la communication réciproque qui se crée entre deux individus par l’intermédiaire du tonus de chacun. Le tonus est l’état de légère tension des muscles au repos. Il est permanent, involontaire et propre à chaque individu. Cette notion de « dialogue tonique » vient de Julian de AJURIAGUERRA. Il la décrit comme un prélude au dialogue verbal. Par son état tonique, le bébé transmet des informations à ses parents sur son état émotionnel, et inversement. On parle alors de dialogue tonico-émotionnel. Le tonus et les émotions sont en effet intimement liés et ont des conséquences l’un sur l’autre. Le tonus est un facteur clé dans la relation.

Ainsi, après la naissance, le dialogue tonique va permettre au bébé de communiquer avec son entourage. Une régulation réciproque va se mettre en place, favorisant l’attachement de chacun.

D’autre part, les parents créent une relation d’attachement avec leur bébé bien avant la naissance, souvent dès le désir de grossesse. C’est ce que nous appelons le concept de l’ « enfant imaginaire ». Avant la naissance, les parents se projettent des images mentales de leur futur bébé. Ils l’imaginent, le fantasment, l’idéalisent. Ils lui attribuent généralement un prénom dès la grossesse, se représentent son futur caractère, sa personnalité, son aspect physique, ses ressemblances avec tel ou tel membre de la famille… Le bébé existe pour ses parents avant même de voir le jour. Pour les parents et pour le reste de l’entourage, il y a déjà de l’attachement et de l’amour pour cet être à venir.

« L’enfant qui vient au monde est donc dans une large mesure le fruit de deux rêves qui l’ont précédé. Il est à la croisée de deux imaginaires : celui de son père et celui de sa mère ». (Ringler, 1998, p.69).

Cependant, lorsque l’attachement se fait mal, cela aura des répercussions sur le développement psycho-affectif de l’enfant et impactera ses relations futures et son exploration du monde. Deux cas de figure peuvent refléter un attachement inadapté.

Le premier représente un attachement qui serait trop fort, trop intense : la présence excessive et l’hypervigilance des parents à l’égard de leur enfant se révèlent être des

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obstacles au processus d’individuation de l’enfant. En effet, ce dernier a besoin de s’éloigner, se séparer temporairement de ses parents pour pouvoir prendre conscience de sa subjectivité et de son agentivité, à savoir sa capacité à s’identifier comme un être à part entière, capable de communiquer avec le monde extérieur et de transformer l’environnement. Cette relation symbiotique peut empêcher l’enfant d’expérimenter la solitude et entraver son futur accès à l’autonomie.

D’un autre côté, un attachement qui serait trop faible, placerait l’enfant dans un environnement insécure. Dans un attachement de qualité, le parent procure une sécurité affective à l’enfant. Il rassure l’enfant face aux peurs auxquelles il est confronté. En cas de fragilité affective, l’enfant ne peut compter sur ses parents pour réguler ses peurs et doit donc mettre en place des moyens d’auto-défense. Livré à lui-même, il peut alors développer des difficultés relationnelles avec ses pairs (repli sur soi, défiance vis-à-vis de l’autre, distance relationnelle inadaptée …).

L’attachement apparaît donc comme une nourriture psychique dont l’être humain a fondamentalement besoin pour vivre. Un bébé a besoin d’être materné, câliné, aimé, touché, caressé. Des soins purement physiques (eau, nourriture) ne sont pas suffisants pour assurer la survie du bébé.

C’est ce que nous montrent les conditions de vie des orphelinats sous la dictature Roumaine de Nicolae Ceausescu. Suite à la loi de 1966 interdisant la contraception et l’Interruption Volontaire de Grossesse - visant à ralentir le déclin démographique - les orphelinats roumains ont été surchargés. De nombreux enfants sont morts suite aux négligences et aux mauvais traitements subis dans ces orphelinats. Ces enfants étaient à peine nourris, mais surtout privés de relation, d’affection, d’attention, d’amour, de tendresse. Ils vivaient ainsi dans un environnement insécure, sans figure d’attachement pour garantir une fonction de maternage. Pour la majorité de ceux qui ont survécu, cette détresse affective a impacté leur développement : problèmes de croissance, retards intellectuels, troubles du comportement et de la relation, états dépressifs…

Le psychanalyste hongrois René SPITZ s’est attaché à théoriser ces répercussions chez l’enfant privé de relation affective. C’est à lui que l’on doit la découverte du syndrome qu’il a nommé « hospitalisme ». Il s’agit d'un syndrome de régression physique et psychique que peuvent développer les enfants en situation de grande carence affective.

Le syndrome de l’hospitalisme a entraîné de nombreux changements dans la

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compréhension du bébé et de la pratique de la pédiatrie. Le besoin affectif de l’enfant est maintenant reconnu comme vital pour son développement et sa santé mentale.

Nous verrons que le processus d’attachement se trouve d’autant plus déséquilibré lorsque l’enfant est porteur d’un handicap. Mais avant de traiter la place du handicap dans la famille, je voudrai d’abord me pencher sur la notion de psychomotricité. Il est en effet primordial de connaître les fonctions du psychomotricien, pour comprendre son rôle auprès des personnes en situation de handicap et de leur famille.

5. LA PSYCHOMOTRICITÉ

Il me semble ici important de définir la notion de psychomotricité et de faire une rapide description de l’évolution historique de la profession. Le métier de psychomotricien est souvent mal ou peu connu, que ce soit auprès du grand public, mais parfois même au sein des professions médicales et paramédicales. Convaincue que le psychomotricien est un acteur de soin à part entière, avec des modes d’action qui lui sont propres, je développerai ici les caractéristiques de cette profession.

La notion de psychomotricité part du principe qu’il y a une liaison entre le soma et la psyché, à savoir entre les deux entités que sont le corps et l’esprit. Si cette hypothèse a été très controversée et réfutée à l’Antiquité et au Moyen-Âge, elle s’est peu à peu développée au XIXème siècle, et a par la suite été prise en compte dans le domaine du soin.

En 1844, Wilhelm Griesinger, figure majeure de la neuropsychiatrie allemande, est le premier à utiliser le terme « psycho-moteur » pour décrire la manifestation des troubles psychiques sur la posture et la motricité.

A partir de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, les découvertes scientifiques ainsi que de nombreux travaux - dont ceux d’Ernest Dupré, Jean Piaget, Henri Wallon, Edouard Guilmain, précurseurs de cette profession - ouvrent la voie de la psychomotricité.

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En 1947, le professeur Julian de Ajuriaguerra - aujourd’hui considéré comme le père fondateur de la psychomotricité - développe le premier service de « Rééducation Psychomotrice » à l’hôpital Henri Roussel à Paris.

La psychomotricité devient une discipline de soin en 1974, avec la création du diplôme d’état de « psychorééducateur ». La terminologie évolue en 1985 et devient

« diplôme d’état de psychomotricien ». En 1988 est publié le décret de compétence du psychomotricien - toujours en vigueur -, reconnaissant son statut paramédical.

La psychomotricité est donc une profession plutôt récente, en perpétuelle évolution.

La pratique de la psychomotricité ne cesse en effet de s’étendre au fil du temps à différents domaines et auprès d’un public toujours plus varié. En effet, la patientèle est très diversifiée, allant du bébé à la personne âgée en passant par l’enfant, l’adolescent et la personne adulte. L’éventail des troubles et pathologies pour lesquels peut intervenir un psychomotricien est également très large. Cette hétérogénéité est source d’une grande diversité dans la pratique de cette profession, contribuant à mon sens à sa richesse.

Toutefois, quel que soit le champ d’intervention du psychomotricien, il existe un socle commun à cette profession, la rendant unique et reconnaissable parmi les autres professions paramédicales.

Comme nous l’avons vu précédemment, le métier de psychomotricien consiste en une approche holistique de la personne, c’est à dire qu’il prend en compte le patient dans sa globalité, corporelle et psychique. L’objectif du psychomotricien est d’harmoniser les fonctions motrices, psychiques, cognitives, affectives, comportementales et relationnelles du patient. En effet, il aide le patient à trouver un équilibre psycho-corporel et à mieux prendre conscience de son corps, à le maîtriser, afin qu’il soit capable de s'exprimer et de communiquer avec son environnement. Pour cela, le psychomotricien utilise des médiations corporelles, c’est à dire des outils et dispositifs qui mettent en interaction le corps avec ce qui l’entoure.

Le psychomotricien agit sur prescription médicale. Il propose généralement un bilan psychomoteur au début de la prise en charge afin d’évaluer les facultés et les difficultés du patient dans les différentes fonctions psychomotrices, à savoir la motricité globale et fine, le tonus, l’espace, le temps, les perceptions et représentations du corps, les fonctions exécutives et les capacités cognitives et relationnelles. Il établit ensuite un projet thérapeutique spécifique à chaque patient. Ce projet définit le cadre de soin en

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psychomotricité et se construit autour d’axes thérapeutiques traduisant les fonctions qu’il convient de travailler avec le patient. Le travail du psychomotricien est ensuite de choisir et d’adapter des médiations en fonction du patient, afin que celles-ci puissent bénéficier d’un réel intérêt thérapeutique.

La richesse de ce métier réside selon moi dans sa caractéristique à pouvoir travailler les difficultés d’un patient, tout en privilégiant leur bien-être, que la médiation corporelle suscite généralement.

Le psychomotricien a également un rôle fondamental dans l’accompagnement des familles et le soutien à la parentalité. Par son savoir, son savoir-faire et son savoir-être, il est un acteur majeur dans l’étayage de l’équilibre familial et de la qualité du lien parents- enfant. Nous développerons de manière plus détaillée les spécificités de l’approche psychomotrice dans le soutien à la parentalité dans la troisième partie de ce mémoire.

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II. PARTIE THÉORICO -

CLINIQUE : LE HANDICAP DANS

LA FAMILLE

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L’arrivée d’un enfant en situation de handicap dans une famille est un évènement souvent vécu comme un bouleversement qui vient perturber l’équilibre familial et qui est source de nombreux changements. Confrontés au handicap de leur proche, les membres de la famille se retrouvent souvent désemparés et en proie à de nombreux questionnements. Si nous ne pouvons pas nous rendre totalement compte de ce que vivent ces familles au quotidien, nous pouvons toutefois essayer de comprendre ce qui les affecte, être à l’écoute des difficultés qu’elles rencontrent et des obstacles auxquels elles doivent faire face, afin de les soutenir au mieux dans leurs parcours.

Dans une première partie, nous étudierons les effets immédiats que l’annonce du handicap engendre pour la famille, avant de nous questionner sur les effets à plus long terme sur la dynamique familiale et les relations parents-enfant.

1. L’ANNONCE DU HANDICAP A LA FAMILLE

Quelles conséquences l’annonce du handicap a-t-elle sur les familles? Et comment dépasser les effets de cette annonce? J’imagine souvent la souffrance et l’injustice que les familles doivent ressentir face au handicap qu’elles peuvent percevoir comme une fatalité.

D’ó l’importance de les soutenir et de leur permettre de faire des projets pour leur vie future. Avant de penser l’accompagnement qui peut leur être proposé en psychomotricité, j’ai d’abord voulu me pencher sur les modalités de la tâche délicate que représente l’annonce du handicap et ses répercussions.

C’est ainsi que je parlerai dans un premier temps des nombreux retentissements dont l’annonce du handicap est vectrice sur la famille et des ruptures qu’elle engendre. Je développerai ensuite les étapes psychiques par lesquelles les parents doivent souvent passer pour accéder à l’acceptation du handicap. J’analyserai aussi la qualité de l’annonce faite par les soignants. Enfin, je présenterai une situation clinique rencontrée en stage, qui me permettra d’illustrer mes propos.

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1.1. Les répercussions et ruptures engendrées par l’annonce

L’annonce du handicap représente une étape clé dans le parcours d’une famille.

Même si certains parents perçoivent les difficultés de leur enfant avant qu’on les leur annonce, la révélation du handicap marque toujours un tournant dans la vie de la famille.

D’autres familles sont confrontées à cette annonce pendant la grossesse ou dès l’accouchement. Dans ce cas-là, l’annonce du diagnostic précède la rencontre des parents avec leur bébé. Alors ce dernier sera d’abord pensé et représenté comme « handicapé » avant d’être « enfant ».

Quel que soit le moment ó le diagnostic tombe (quand il y a un diagnostic), le handicap frappe les familles dans leur quotidien et remet en question toutes les certitudes qui les habitaient, les laissant démunies face à cette situation dont elles se pensaient préservées. « Ça n’arrive qu’aux autres »… nous avons souvent tendance à penser que les dangers de la vie ne peuvent nous atteindre, or le fruit du hasard fait démentir cette formule universelle.

Selon Simone KORFF-SAUSSE, suite à l’annonce, les parents sont d’abord dans l’incompréhension. C’est le vide, le néant. Rien ne peut s’expliquer, s’élaborer. Pour décrire cet état traumatique, la psychologue et psychanalyste parle de sidération. C’est une paralysie de la pensée : il n’y a plus de mots ni d’images. La vie psychique est figée, anesthésiée.

« Face à cet évènement qui la déborde, la psyché ne parvient pas à assurer sa tâche habituelle, qui est d’intégrer les éléments du monde extérieur. […] Il s’en suit une suspension des facultés mentales. […] Le choc traumatique touche donc un être non préparé, qui doit faire face subitement à quelque chose qui dépasse l’entendement, provoquant une destruction d’une partie du psychisme. » (Korff-Sausse, 2010, p.36-37).

La sidération est suivie de l’effondrement des parents. Tout s’écroule. La famille bascule dans un autre monde, le monde du handicap. « Je sais que c’est le début de quelque chose dans lequel je n’ai pas envie d’aller » déclare Hélène de Fougerolles (Crespo-Mara, 2021).

Emergent ensuite de nombreux questionnements pour les parents : mon enfant pourra-t-il avoir une vie normale? Sera-t-il autonome? En quoi notre vie de famille va-t-elle changer? L’avenir est remis en question, le futur se montre menaçant, inquiétant. Le handicap laisse souvent les familles sans réponses, démunies, désorientées face à leur

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avenir incertain. Les projections qu’elles se faisaient sur cet avenir sont rompues et doivent être remaniées.

L’annonce du handicap engendre de nombreuses ruptures, notamment une rupture des processus d’identification parents-enfant et de filiation. Car cet enfant est souvent très différent de celui qu’ils s’étaient imaginés pendant la grossesse. Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, les parents se construisent une représentation de leur enfant avant que celui-ci ne vienne au monde. Nous parlons de l’enfant « imaginaire »,

« fantasmé ».

Suite à la naissance, tous les parents doivent faire le deuil de l’enfant qu’ils s’étaient imaginés durant la grossesse. Car il y a toujours un écart entre le bébé qu’ils avaient idéalisé et le bébé réel, qui crie, pleure et ne ressemble pas vraiment à celui qu’ils s’étaient représentés.

Cet écart est majoré lorsque l’enfant présente un handicap. Le processus de deuil en sera d’autant plus complexe.

D’après Simone KORFF-SAUSSE, cette notion de « deuil » n’est pas vraiment appropriée. Demander aux parents de « faire le deuil » de l’enfant imaginaire serait les forcer à renoncer à la représentation qu’ils ont de leur filiation.

« Deuil impossible, car perdre cet objet, c’est perdre une partie vitale d’eux-mêmes.

Renoncement impossible, car renoncer à l’enfant imaginaire, c’est renoncer à l’image de parents pouvant mettre au monde un bel enfant, qui met en jeu, à travers l’enfant qu’ils ont conçu, leur propre conception. Par conséquent, l’enfant imaginaire garde sa place, comme un idéal inatteignable ». (2010, p.44).

D’autre part, faire le deuil de l’enfant imaginaire implique d’accepter les différences qui les séparent et les distinguent de leur enfant en situation de handicap.

Face à cet enfant « différent », beaucoup de parents doivent faire face à la difficulté de s’identifier à lui; dans bien des cas, cet enfant ne leur ressemble pas. Cela nous renvoie au titre du livre de Simone KORFF-SAUSSE : « Le miroir brisé ». Nous comprenons ici la signification que l’auteur a voulu donner à ce titre, à savoir la difficulté d’identification des parents à leur enfant en situation de handicap. Tel un miroir, un enfant serait censé renvoyer à ses parents leur propre reflet. Or, dans le cadre du handicap, ce reflet est biaisé, modifié, d’ó l’image d’un miroir « brisé ». Il leur est difficile de se

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reconnaître en lui, de l’inscrire dans l’histoire inter-générationnelle et d’imaginer une filiation future qui prolongerait la transmission familiale.

« L’enfant handicapé envoie à ses parents une image déformée, tel un miroir brisé, dans laquelle ils ont du mal à se reconnaître, et partant, à reconnaître l’enfant attendu, l’enfant qui se situe dans leur filiation et qui doit les perpétuer après leur mort. Cet enfant- là est loin, très loin, de l’enfant espéré. Loin de l’enfant que tous les parents ont porté en eux pendant les neuf mois de grossesse, et rêvé depuis bien plus longtemps encore. » (Ibid., p.43).

De plus, étant donné les difficultés d’identification que peut présenter la mère vis-à- vis de son bébé, nous pouvons penser que le handicap peut engendrer une possible rupture de la « préoccupation maternelle primaire » - phénomène à l’oeuvre dans la période péri-natale - que nous avons décrite dans la partie théorique. Ne parvenant pas à s’identifier à son enfant de par sa différence, la mère peut présenter davantage de difficultés à s’adapter à lui et à anticiper ses besoins.

Malgré les diverses ruptures qui sont à l’oeuvre suite à l’annonce, les parents devront rencontrer l’enfant « réel » pour en accepter le handicap. Que la découverte du handicap se fasse à la naissance ou plus tard lors du développement de l’enfant, une temporalité psychique est nécessaire pour les parents. Ils ont besoin de temps pour se défaire de l’image de l’enfant « parfait ».

Ils passent alors par différentes étapes qui mettent en jeu des processus psychiques ayant pour finalité l’acceptation du handicap.

1.2. Les étapes vers l’acceptation

Après le choc de l’annonce, les parents traversent plusieurs étapes et vivent différentes émotions avant de parvenir à accepter le handicap. Bien sûr, cette acceptation est plus ou moins longue selon les individus. Quand certains font rapidement abstraction du handicap de leur enfant, d’autres ne parviendront jamais à admettre sa différence par rapport aux autres.

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